Jiminy criquet, toute la famille...

Cette année le massif du Makay (sud-ouest de Madagascar) est la cible d'une invasion de criquets, mais qui n'ont ni le chapeau haut de forme ni le parapluie cher à l'image infantile souvent véhiculée dans les contes...plus proche ici de l'une des 7 plaies d'Égypte.

Le bon côté des choses est qu'ils arrivent après la récolte du riz, mais c'est bien la seule bonne nouvelle. Ces criquets s'attaquent peu aux feuilles des arbres, au manioc et à la patate douce, mais sont sans pitié pour les roseaux, le pâturage et la canne à sucre (ingrédient principal, avec le tamarin et le citron, pour le rhum local, boisson incontournable de l'île).
Cette dernière n'a quasiment plus de sucre, et ne produit plus que de l'eau.

Prélude à un futur essaim ?

Pour les zébus c'est aussi une mauvaise nouvelle, la disette de la saison sèche se rapproche à grands pas.

Il ne faut pas oublier que ce que nous avons observé n'est que le préliminaire à une possible migration ravageuse...et toutes les régions de Madagascar n'ont pas fini leur récoltes.



Pourquoi ces essaims?
Deux espèces de criquet à Madagascar :

• le criquet migrateur
• le criquet nomade

On peut penser qu'il s'agissait du criquet migrateur (à vérifier), il est très répandu à Madagascar et son aire grégarigène se situe dans la partie sud-ouest de l'île.

1997 a été certainement la pire année pour cette île touchée par une grande invasion sur près de 500000 km². Il aura fallu quatre années d'efforts intensifs, d'importantes dépenses et plus de 4 millions d'hectares traités avec des insecticides chimiques pour en venir à bout. Vraiment très résistant ce Locuste.

Résumé de la vie d'un criquet...

A l'origine le criquet n'est pas un insecte grégaire, il ne cherche pas particulièrement la compagnie de ses congénères hormis lors de la reproduction.

La " grégarisation " est le résultat de certaines conditions environnementales favorables à une ponte massive. Dès lors, après l'éclosion des œufs, les jeunes criquets se regroupent en " bandes larvaires ". Chaque individu n'a pas vraiment de schéma de déplacement précis et se déplace pour son compte au sein du groupe.

Au stade suivant  (celui observé dans le Makay), le groupe devient plus cohérent et se dirige dans une même direction : il forme une bande primitive. La vitesse de progression varie de dix mètres à deux kilomètres par jour, selon le type de terrain.

État larvaire

Larves de criquet, journée type :

• peu avant le lever du soleil, elles descendent du perchoir où elles ont passé la nuit
• elles se rassemblent au sol en début de matinée aux endroits les plus chauds, les mieux exposés au soleil et forment des groupes denses
• l'activité locomotrice commence environ 1 heure et demie après le lever du soleil. La marche s'accélère à mesure que la température augmente. Elle ralentit au-delà de 40°C. Les larves cherchent alors à s'abriter pour éviter les heures les plus chaudes. La progression reprend dans l'après-midi et se poursuit jusqu'au soir
• à la tombée de la nuit, elles s'arrêtent dans la végétation, s’installent et se perchent si la température est fraîche. S'il fait plus de 23°C, les déplacements peuvent continuer une partie de la nuit.
  

Cette agglutination des larves en un esprit grégaire est une étape obligatoire pour arriver à la suivante : la formation d'essaim. Car une fois adultes, les criquets issus de larves groupées ont tendance à maintenir activement la cohésion.

A ce stade, ils deviennent un véritable fléau pour la végétation et qui plus est pour les pratiques agricoles.

L’essaim à lui aussi un rythme de vie :

• une heure après le coucher du soleil et jusqu'à l'aube, l'essaim est posé sur la végétation ou le sol
• dès le lever du soleil, des déplacements lents par marche, accompagnés de quelques sauts et de petits vols, ont lieu en cas de dérangement
• vers 8 heures, les criquets ailés se chauffent au soleil en groupes denses. Ils se disposent perpendiculairement aux rayons incidents pour augmenter plus rapidement leur température
• le décollage a lieu entre 9 heures et 10 heures. Les criquets utilisent les premiers courants ascendants pour prendre de l'altitude, en formation tourbillonnante plus ou moins confuse dans ses contours
• de 10 heures au crépuscule, l'essaim est en phase de progression aérienne. Il se produit un brassage permanent entre les criquets au sol et ceux en vol.

Un grand nombre se pose sur le front et redécolle à l'arrière pour rejoindre leurs congénères. L'essaim progresse donc par un échange continuel des ailés entre le sol et l'air. Du fait de l'atterrissage fréquent des ailés en dessous du nuage, la vitesse de l'essaim atteint à peine la moitié de la vitesse du vent (environ 6 kilomètres à l'heure).
Peu après le coucher du soleil, les ailés descendent à terre ou sur la végétation pour se nourrir et se reposer.

Durant ce premier voyage dans le massif du Makay, toutes les phases ont été observées. Il devenait quasiment impossible de prendre des photos à certaines heures tellement le ciel était constellé de criquets.

Les prédateurs (araignée, petit rapace..), à ce stade, étaient saturés par le nombre de criquets et ne pouvaient dès lors plus jouer leur rôle de régulateur.

Il faut avouer que c'est un spectacle fascinant si l'on en oublie les conséquences sur les cultures et la végétation.

Point plus positif, le criquet est aussi un complément alimentaire pour les populations locales. Dans les villages du Makay, ils sont essentiellement préparés bouillis, décortiqués et conservés après séchage une bonne semaine, pour la consommation.

Au fait, ne pas marchez contre le vent dans un essaim, car vous allez vite rentrer en contact avec les criquets qui le forment...

Cuisine...

Vidéo des criquets à l'état larvaire dans un canyon du Makay :

 

Photos complémentaires à retrouver ICI.

Laurent

PS : les données scientifiques de cet article sont issues du CIRAD.