Au musée des illusions, Sally Price

Il semble avoir trouvé sa place, et puis finalement pour le visiteur que je suis il est plutôt bien réussi.

Sally Price, anthropologue américaine spécialiste des sociétés afro-américaines, nous livre dans cet essai une étude bien plus approfondie de la naissance de ce musée, des motivations qui l'ont engendré, et des conflits qui s'y expriment.
Finalement répond-il à l'affirmation qu'il prône haut et fort : Là où dialoguent les civilisations ?




Sally Price nous fait visiter les arcanes de ce musée. L'on y découvre un monde tout à fait nouveau où les conflits sont légion :

• entre musées
• au sein des équipes de chercheurs
• entre les anthropologues et les marchands d'art...

Finalement tout un microcosme qui a du mal à dialoguer en son sein...dialogue des cultures?

C'est pas gagné !

Car finalement ce n'est que la volonté d'un président de marquer son temps qui est à l'origine de ce musée.

Passionné d'art premier, primaire... (c'est la dénomination que l'on donne à ce type d'art, même s'il est contemporain, à rien y comprendre), J.Chirac sera le moteur de la mise en place du musée du Quai Branly (nom qui lui sera finalement choisi).

Mais sa rencontre avec un autre Jacques, J.Kerchache (collectionneur-marchand) sera le point de départ de ce vaste chantier.

Je vous passe les détails sur la guerre des musées qui à elle seule vaut le détour, pour nous intéresser justement au sens de " Là où dialoguent les civilisations ".

Car pour Sally Price, là est tout l'enjeu.

Il est assez incroyable de voir le poids de ceux que je nommerai les "extérieurs" :

• marchands d'art
• architecte (ici J.Novel)...

qui imposent leurs vues sur ceux dont c'est le métier :

• anthropologues
• ethnologues...

Il en résulte, certes une beauté scénographique, une certaine pauvreté de contenu pour celui qui veut comprendre et voir un peu plus loin que la simple beauté de l'objet.

Bien évidemment, quand les marchands d'art sont à l'origine des achats (à lire l'épisode d’Hélène Leloup), il y a un sérieux biais, je ne vous parle pas du tarif des achats par ces mêmes intermédiaires... acteurs désintéressés, bien entendu.

Comme les marchands d'art sont aussi à l'origine des premières explications de texte, c'est parfois " à se tordre de rire " si cela n'était pas réel.

Exemple :

• Kerchache pour une sculpture des îles Salomon (couple enlacé) :

"Tout est signifié avec une telle pudeur, avec une telle dignité, que ce couple tendrement enlacé jaillit de la matière dans une intimité totale"

• Interprétation de Revolon (anthropologue) :
  

"Lorsque le couple fait l'amour, l'humain abusé par l'esprit contracte une fièvre qui le consumera dès lors et l'entraînera vers une mort certaine".

Nous avons vraiment deux visions radicalement différentes de présenter ce qu'a voulu mettre en évidence le sculpteur...

Jeter un coup d’œil sur la peinture Aborigène, vous n'allez pas être déçu.

Bien entendu le musée doit mûrir, prendre de l'assurance, rectifier ses dérives des premières années, se tourner vers la pédagogie et tendre vers son objectif d'universalité pour en finir avec la hiérarchisation des cultures...

Un livre à lire, captivant et passionnant, et bien entendu un musée à visiter !

Publié aux éditions Denoël.

Laurent